LE DÉLAI DE VIDUITÉ SOUS L’ANCIEN RÉGIME
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le 30/05/2020 à 09:53 Citer ce message
par Éliane FAIVRE de l’antenne du Creusot
Dans le cadre de nos recherches généalogiques, nous avons pu être confrontés à des délais de remariage très disparates, certains très proches de la date du décès du conjoint et d’autres, plus éloignés, sous l’Ancien Régime.
Quelques exemples :
• 1 mois - Claude CHAMPMARTIN : x 28 octobre 1687 à Saint-Symphorien de Marmagne avec Jeanne LAVAULT qui décède le 15 juin 1704 (même commune) et se xx le 15 juillet 1704 (même commune) avec Claudine MICHEL
• 5 mois - Leonard BROCHOT : x 26/04/1695 à Sommant avec Jacquette CLOUPEAU qui décède le 22/02/1717 à Sommant et se xx 15/07/1717 à Sommant avec Vivande MAZOYER à Sommant
• 3 ans - Edmée DUCREUX : x 26/01/1723 à Anost avec Nicolas CHAUMIEN qui décède le 08/11/1723 à Anost et se xx 05/11/1726 à Anost avec André FLETY
Certes, les circonstances familiales, telles que l’éducation des enfants en bas âge, pourraient expliquer cette diversité. Toutefois, nous pouvons nous poser la question de savoir, s’il existait ou non des règles régissant le délai imposé pour se remarier, juridiquement dénommé droit de viduité (du latin viduus = veuf).
Bref point juridique :
Sous l’Ancien Régime, le droit canonique n’imposait aucun délai, mais seul le droit coutumier (ensemble de règles issues des coutumes locales) s’appliquait, ce qui générait de fortes disparités régionales.
Le droit coutumier a été codifié dans de nombreuses régions après la guerre de Cent Ans et en Bourgogne, sous Charles VII roi de France et Philippe III le Bon, duc de Bourgogne, en 1459. Il est stipulé dans les contrats de mariage sous la mention : « le surplus du présent mariage demeurant réglé suivant Lois et coutumes de Bourgogne ».
Le délai de 300 jours pour se remarier relatif aux femmes date en fait du Code civil (article 228) promulgué le 21 mars 1804 et abrogé par la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 (applicable au 1er janvier 2005).
Cas particulier des veuves :
Les femmes ne disposaient d’aucun statut social véritable, c’est-à-dire d’aucune jouissance de leurs biens, sans le consentement de leur conjoint et demeuraient d’éternelles mineures toute leur vie, passant de la tutelle d’un père à celui d’un époux : à titre d’exemple, les actes ne mentionnaient jamais leur profession et aucune femme n’était citée comme témoins. L’une des rares références à leur identité réside dans le fait qu’elles conservaient leur patronyme initial dans les actes ultérieurs au mariage, contrairement à d’autres pays, comme en Allemagne (duché de Bavière).
Il convient, aussi, de rappeler que les mariages ne consistaient pas en une union choisie entre deux personnes, mais entre deux familles, principe même des mariages arrangés, afin de préserver la situation socio-économique familiale. Les conditions du veuvage des femmes, sorte de clauses de survie après de décès du conjoint, étaient libellées dans les contrats de mariage, pour éviter qu’elles ne soient dépouillées par leur propre famille, voire par leurs propres enfants et pour préserver un éventuel « enfant a naistre, au cas ou le futur conjoint venait a deceder avant la future ». Naturellement, ces clauses n’étaient valables qu’en cas de non-remariage.
Compte tenu de la mortalité précoce des hommes et de l’absence d’autonomie des femmes, les remariages des veuves étaient très fréquents, d’autant plus que ces dernières étaient en quelque sorte spoliées des biens acquis dans le cadre de la « communaute », non usuel de la cellule maritale. Cette situation concernait la grande majorité des femmes sous l’Ancien Régime, mais un certain assouplissement de ces règles était octroyé aux veuves des classes aisées.
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